Ladoléa, le nectar d’Athéna

Au sommet de l’Acropole, Athéna et Poséidon se tiennent devant toute une assemblée. Ils se disputent l’hégémonie de l’Attique. Poséidon offre aux habitants un animal imbattable, un cheval noir qui provoque l’admiration de la gent masculine. La déesse jette de l’huile sur le feu en promettant un arbre fruitier, l’olivier, qui prodiguera protection et nourriture. Les femmes saluent son offre par un murmure d’approbation. Étant plus nombreuses, elles ont le dernier mot et Athéna de remporter la bataille d’ego.

La jeune génération de Grecs n’a pas oublié le don de leur divine protectrice. Mais à cause de la crise économique qu’elle traverse depuis 2008, elle peine à s’en souvenir. Pensant trouver un avenir meilleur, elle fuit à l’étranger. Le phénomène n’a pu être endigué tant il est difficile de trouver un travail chez les Hellènes (le taux de chômage s’élevant à 20,6%). Toutefois, certains font figure de résistance face à la récession et tentent de redresser un pays tombé de Charybde en Scylla. Les frères Panos et Thanos Kloutsiniotis sont de ceux-là. Le premier est ingénieur et le second diplômé en finance. Ensemble, ils recollent les morceaux d’un monde qui s’effrite. Sous l’égide d’Athéna, ils fabriquent du nectar, une huile d’olive d’une qualité rare.

Originaires de Corinthie, les deux éphèbes veulent quitter leur pays en 2012 pour tenter leur chance ailleurs. En visite dans leur famille avant le grand départ, ils se promènent dans l’oliveraie de leur oncle où la déesse leur souffle l’idée d’investir dans les terres ancestrales. Ils décident alors de rester au bercail pour défendre le savoir-faire traditionnel. Ils relancent l’activité de 22 récoltants d’olives et sélectionnent la variété « Megaritiki » pour sa très forte concentration en antioxydants. Les fruits ont l’aspect de raisins secs et sont conservées dans du sel avant leur broyage et leur extraction. Panos, l’ingénieux, se forme aux techniques de fabrication d’une huile d’olive haut de gamme, qu’il nomme « Ladoléa » (jeu sur le mot grec éléolado « huile d’olive« ). Quant à Thanos, le commercial, il s’occupe de sa mise en bouteille et de sa diffusion.

Pour le packaging, ils s’inspirent d’une amphore antique en céramique, un délicat contenant pour leur précieux nectar. Le modèle original, appelé « aryballe« , est daté de 700 avant Jésus-Christ et servait à la conservation de l’huile dont s’enduisaient les joueurs olympiques. Remise au goût du jour, la poterie a été redessinée et façonnée à la main par des artisans potiers dans un style épuré. Ce design leur a valu trois récompenses internationales, dont le Red Dot Award en 2014. Dans un souci environnemental, il a été conçu pour être réutilisé grâce aux recharges en fer blanc Ladoléa. L’opacité de la céramique préserve toutes les qualités du produit à la réputation anti-inflammatoire, antioxydante, cardioprotectrice et neuroprotectrice.

Ainsi les vertus du régime crétois et de l’huile d’olive participent-elles à la stratégie marketing. Sur leur site marchand, nos héros précisent que leur huile apporte tous les polyphénols nécessaires à la lutte contre le stress oxydatif. Pour bénéficier pleinement de cette cure de jouvence, ils recommandent d’en consommer 20 grammes par jour. L’Allemagne est leur premier client, mais leur marché s’étend du Texas à la Corée ! De fait, ils s’efforcent de répondre à une demande croissante. Distribués par l’épicerie du Bon Marché à Paris, ils cherchent activement un distributeur permanent en France.

En 2017, l’économie grecque a connu une croissance de 1,8%, après une errance de neuf ans, période aussi longue que l’Odyssée ! Néanmoins, le gouvernement, face à l’énergie déployée par la jeunesse, prévoit une croissance économique de 2,4% en 2018.  De plus en plus, les Grecs se tournent vers un passé rempli d’avenir. Aujourd’hui, ils ont conscience du fort potentiel de leur patrimoine culturel et de leurs ressources humaines. La crise n’aura plus lieu et il est grand temps pour Ulysse de revenir au pays pour ajouter de l’huile de coude !

Le nectar d’Athéna a permis le succès de Ladoléa. Et s’il était déjà en train de vitaminer toute l’économie grecque ?