Stratégie
Le Petit Marseillais, un secret bien gardé
Après sa victoire à la pétanque, Marius est tout pégueux* ! Il rentre dans sa salle de bain pour se faire mousser. Ah c’qu’il est bien quand il est dans son bain ! Le savon qu’il utilise fait de sa baignoire une garrigue où chantent les cigales, un champ de lavandes sous le ciel d’été. Dans sa baignoire de Méditerranée, le bonheur laisse place à la sérénité. Sûr demain à la pétanque, il ne sera pas Fanny* ! Son secret ? Le Petit Marseillais, peuchère.
Depuis le XVIIIème siècle, les Marseillais sont passés maîtres dans l’art de passer un savon. Ils ont révolutionné la saponification en remplaçant la graisse animale par de la graisse végétale. Les bienfaits de la nature furent ainsi concentrés dans des cubes à l’odeur enivrante du Sud de la France. Mais ce n’est qu’en 1982 qu’un ancien journaliste, Bernard Lengellé, a l’idée de couper le savon composé à 72 % d’huile d’olive riche en petits cubes de 100 grammes chacun. Vendus dans du papier journal, ces morceaux de savon ont pris tout naturellement le nom de leur emballage, le quotidien « Le Petit Marseillais« . Le marin du logo n’est autre que César, le fils de Bernard Lengellé, qu’il avait dessiné assis sur une ancre marine, le regard fixé sur l’horizon… qu’il fixe encore.
Le savon est d’abord commercialisé dans des pharmacies dans le département du Vaucluse. Malheureusement, dans la région, la concurrence est déjà bien implantée. Le rachat de la marque par les Laboratoires Vendôme en 1985 pour 200 000 francs est donc providentiel. À Dijon, bien loin de ses concurrents, Le Petit Marseillais connaît une croissance exponentielle. De plus, son arrivée dans les rayons des supermarchés lui offre 5 % du marché de la savonnerie. Depuis ses premiers succès, la marque a bâti son modèle de croissance sur la diversification de ses produits. Elle prend la douche d’assaut dès 1990 et shampouine à partir de l’an 2000.
Pourtant, le design de ses produits reste simple : des couleurs joyeuses évoquent le parfum contenu par chaque flacon. Vert amande, rouge coquelicot, bleu lavande, vert olive… Ces évidences chromatiques plaisent. Sur un fond uni, on retrouve le même packaging extérieur d’un produit à l’autre : le logo du petit marin pensif, le descriptif du produit et ses effets à fleur de peau et une illustration symbolisant l’ingrédient principal. Douceur, légèreté, éclat et volupté sont au programme. Toutefois, afin de se démarquer, la marque a calqué depuis peu sa stratégie commerciale sur celle de Monoprix (cf. notre article sur « Monoprix la communication qui sourit »). À coup de détournements d’expressions idiomatiques, elle affiche fièrement son origine française dans sa collection « Les P’tits Bonheurs« . Les formules comme « Plus on est de fous, plus on Riz » ou « Croquez la fraise à pleines dents » nous font trémousser.
En 1996, Le Petit Marseillais a été élu consécutivement « marque du siècle » puis « marque préférée des Français« . Le moussaillon oisif de son logo cache pour ainsi dire le suprême leader des produits lavants. Il pesait 200 millions d’euros en 2006, l’année où l’entreprise a intégré le géant de l’hygiène à l’Américaine Johnson & Johnson. Depuis que notre Petit Marseillais national a pris le large, tout baigne pour lui : il fait des grosses bulles et joue au sous-marin !
Sa fantastique réussite reste pourtant un secret bien gardé !
* « transpirant » en Marseillais
** perdant à la pétanque